<475>de tout ce qu'un mauvais cœur peut dicter, ne trouverait-elle pas digne de sa prudence de se contraindre un peu avec lui? Adroit comme il est à faire des insinuations malignes, et ayant souvent occasion d'en faire à des personnes naturellement susceptibles de toute sorte d'impressions, il ne balancerait peut-être pas d'en lâcher un jour qui pourraient causer bien des chagrins, s'il achevait de se convaincre de la justice que V. A. R. lui rend. Elle me dira peut-être qu'un homme de sa trempe ne mérite pas qu'elle se contraigne avec lui, et qu'il est plus charitable de lui faire sentir qu'on connaît la méchanceté de son caractère, puisque c'est l'unique moyen de le corriger, que de le fortifier dans ses erreurs, en semblant les méconnaître. Mais j'ose assurer V. A. R. que, incorrigible comme je le crois du côté de son cœur, cette sorte de charité, s'il m'est permis de m'en expliquer en franc Quinze-Vingt, me paraît mal employée, et que tout ce qu'il y a de meilleur à faire avec lui, c'est de l'empêcher de nuire aux gens de bien, et de l'en empêcher par lui-même ou, pour mieux dire, par son amour-propre, qui le domine presque autant que sa malice. Que V. A. R. ait la bonté de lui parler quelquefois sans lui faire sentir qu'elle le méprise ou déteste, et je lui réponds que la vanité qu'il a, et qui le porte très-facilement à se chatouiller de mille chimères, sa vanité, dis-je, fera sur lui, pour un temps au moins, tout ce que les avis les plus charitables feraient sur un cœur bien placé. Je vous demande pardon, monseigneur, de m'être tant étendu sur ce sujet. Un Quinze-Vingt ne connaît pas de bornes lorsqu'il est animé par la dévotion aveuglément zélée qui l'attache à sa divinité.

Quoique je n'aie pu voir le sieur Jordan depuis la réception de la lettre de V. A. R., j'ose vous répondre, monseigneur, qu'il fera absolument tout ce que vous lui ordonnerez. Il se transporterait, lui et toute sa bibliothèque, s'il le fallait, partout où V. A. R. pourrait le désirer. Mais il se flatte qu'elle ne désapprouvera pas, lorsqu'elle aura entendu ses raisons, qu'il continue sa mythologie de la manière qu'il l'a commencée, c'est-à-dire, en la réduisant en lettres familières. Et c'est dans cette persuasion qu'il en a composé une quatrième, qu'il m'envoya hier, et que V. A. R. trouvera ci-jointe. Je suis bien trompé, ou elle la lira