<467>souhaiterais, à son âge, de mourir comme lui. Son esprit, à la vérité, avait un peu baissé; mais on ne saurait dire qu'il eût perdu la raison. L'on dit au contraire qu'il l'a conservée, à la mémoire près, jusqu'au dernier moment de sa vie, à telles enseignes qu'il plaisanta encore avec son médecin, lorsqu'il vint lui présenter une médecine la veille de sa mort, et que, ayant joué le même soir au piquet, il sut dire, comme il avait fait pendant tout le cours de sa vie, au premier aspect de son jeu, si la partie était à gagner ou non.

Il lui est arrivé une chose, depuis son trépas, qu'il n'a commune, ce me semble, qu'avec le grand Turenne. V. A. R. sait que le roi de France, pour marquer le cas qu'il faisait de celui-ci, le fit enterrer à Saint-Denis. L'Empereur vient de faire quelque chose de pareil à l'occasion du prince Eugène. Il a ordonné de lui bâtir un mausolée des plus magnifiques et des plus durables, et, dans l'ordre qu'il a donné pour le bâtir, il s'est servi de cette expression : « Je veux qu'il réponde, dit-il, par sa magnificence et par sa solidité, à la reconnaissance que je dois au défunt, et que la maison d'Autriche devra éternellement à ses grands services. » J'avoue que c'est de la fumée; mais c'est de la fumée qui plaît à quiconque se pique de bien servir son maître.

7o J'aurais bien encore un mot à dire sur la confidence que V. A. R. me fait des tribulations qu'elle a expérimentées, et de l'estafette qu'elle avait reçue; mais, cette épître n'étant déjà que trop longue, je crois faire sagement de le différer à une autre fois. Mais de quoi je ne puis me taire, c'est de l'occupation dans laquelle votre lettre m'a trouvé. J'étais à faire des notes sur le portrait ci-joint du grand Frédéric-Guillaume. Elles étaient à moitié faites, quand l'arrivée de la lettre de V. A. R. me les a fait quitter pour me faire courir à ce que je trouverai toujours plus agréable et plus pressant que toutes les occupations que je puis avoir, c'est-à-dire, au bonheur d'entretenir V. A. R., et à celui d'oser lui réitérer les humbles assurances de la profonde et éternelle dévotion avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc.