<424>gissant réellement, si ce n'est pas l'auteur de l'Imitation ci-jointe? Je serais même tenté de croire que V. A. R. venait de la lire quand elle m'a fait l'honneur de m'écrire, puisqu'il me semble, sans en être pourtant tout à fait sûr, que j'en ai un jour donné une copie à M. de Keyserlingk, que je crois encore à Ruppin. Ce qui me fait venir cette conjecture, c'est que V. A. R. a donné à ce portrait une partie des traits que l'auteur de l'Imitation a cru pouvoir se donner à lui-même, quoiqu'elle ait su les représenter si avantageusement, que, en s'y reconnaissant, il doit être honteux de sentir que ceux qu'il peut s'en appliquer sont autant au-dessous de cette magnifique peinture qu'il est lui-même au-dessous du maître qui a bien voulu les embellir.

Les charmes que je trouve à examiner ce tableau me font quasi oublier de répondre au reste de la lettre de V. A. R., qui, si je l'ose avouer sans lui déplaire, quelque forts que soient ses arguments, ne m'a pas encore convaincu. Il est difficile de dérouter un Quinze-Vingt qui se croit sûr de son fait.

V. A. R. convenant que la morale chrétienne, en tant qu'on ne la considère que comme une morale, tend au même but que la païenne, c'est-à-dire, au bien de la société, vous ne sauriez vous dispenser de convenir, monseigneur, qu'elle dérive aussi de la même source, qui est la raison humaine, et qu'elle ne saurait être confondue avec les notions que nous tirons de la révélation.

Rollin, quoique dans une intention fort pieuse, me semble parler plutôt en théologien septuagénaire, et en homme qui veut faire sa cour aux dévots de profession, qu'en moraliste, lorsqu'il traite les vertus les plus évidentes des anciens païens de vertus imparfaites, parce qu'elles ne se rapportaient pas, dit-il, à la gloire de Dieu et à la religion chrétienne.

Je conviens de l'excellence de la doctrine qui nous conduit à l'admiration de Dieu et de ses perfections; je conviens qu'elle sanctifie, pour ainsi dire, les vertus morales, en nous enseignant les moyens d'en combiner la pratique avec celle des lois divines. Mais, quelque excellente qu'elle soit, elle n'est pas l'effet de notre morale; elle n'en est qu'une espèce d'accessoire, qui hausse, à la vérité, le prix des vertus morales, mais qui ne déroge pas à leur valeur intrinsèque ou naturelle. Il en est, ce me semble, comme