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1. DU MARQUIS DE CONDORCET.

Paris, 22 décembre 1783.



Sire,

L'ami de M. d'Alembert ose se flatter que Votre Majesté daignera ne pas désapprouver la liberté qu'il prend de lui parler d'une douleur qu'elle partage. Honoré de la confiance intime de cet homme illustre, je sais, Sire, quelle était pour lui l'estime, et j'ose dire l'amitié de V. M. Cette expression semble autorisée en quelque sorte par l'égalité avec laquelle V. M. a toujours traité les hommes d'un génie supérieur, parce qu'elle n'a pu se dissimuler, sans doute, qu'eux seuls étaient véritablement dignes d'être vos égaux.

M. d'Alembert, qui avait paru craindre les souffrances et les infirmités de la vieillesse, a vu venir la mort avec un courage tranquille et sans faste. Dans ses derniers jours, il s'amusait à se faire lire les énigmes du Mercure, et les devinait. Il a corrigé, la surveille de sa mort, une feuille de la nouvelle édition qu'il préparait de sa traduction de Tacite. Il s'occupait avec autant de sang-froid que de bonté des moyens d'assurer après sa mort des récompenses à ses domestiques, des secours à ceux que sa bienfaisance faisait subsister. C'est dans cette vue qu'il a bien voulu me choisir pour son héritier, et me donner cette dernière marque de son amitié et de sa confiance.

Il n'a voulu payer aucun tribut, même extérieur, aux préjugés de son pays, ni rendre hommage en mourant à ce qu'il avait fait toute sa vie profession de mépriser.

J'affligerai peut-être V. M., ou plutôt j'exciterai son indignation, en l'instruisant de ce qui a suivi la mort d'un homme, l'honneur de sa patrie. Son curé n'a pas osé, à la vérité, lui refuser