<342>graphe que je n'ai nul droit à me qualifier colonel de Preobrashenskii, et que si je suis colonel de la plus grande des impératrices, c'est peut-être dans un régiment d'invalides, et c'est encore bien de l'honneur pour moi. Je suis aussi revêtu de quelques dignités qui ont échappé à V. M. Par exemple, j'ai depuis près de huit ans un brevet de souffre-douleur de l'impératrice de toutes les Russies, que S. M. a la bonté de me confirmer journellement. Je pourrais même, d'après votre dernière lettre, Sire, me qualifier de plastron du grand Frédéric; mais il faut être en garde contre la vanité. Les traits de V. M. ne sont pas mortels comme ceux d'Apollon votre patron; votre bonté daigne en émousser la pointe avant de les lâcher, et l'on est un pauvre plastron quand on ne reçoit que des traits émoussés. Le plus sûr est donc de me tenir enveloppé dans mon manteau de Waldstorchel,a et de me contenter d'une demi-douzaine de titres, sans aspirer à de nouvelles dignités.

V. M. a pensé me causer une révolution, en me parlant de la perte de l'abbé Coyer,b que j'ignorais. Je n'ai pu éclaircir depuis mon retour si ce malheur est avéré; j'aime à me flatter, et à en douter encore. J'aime surtout à me flatter que ce chiffon trouvera V. M. heureusement de retour de la Silésie, et dans le sein du repos. Tout colonel russe que je suis, je ne regarderai jamais Berlin comme une auberge de passage pour Pétersbourg; mais si jamais le Seigneur me ramène dans le sanctuaire de Potsdam ou de Sans-Souci, j'entonnerai aux pieds de V. M. le cantique de Siméon l'archimandrite : Nunc dimittis servum tuum, etc.

Je suis avec le plus profond respect, etc.


a Voyez t. XVIII, p. 100, et t. XXIV, p. 575.

b Voyez t. XXIV, p. 665.