<29>sujets de notre jeune et vertueux monarque; vous y verriez, à la page 60, que les prêtres recommandent à Dieu le nouveau roi, que nous élisons, disent-ils, pour souverain de ce royaume. Comment souffre-t-on cette insulte impudente au monarque et à la nation? Comment souffre-t-on que, dans celle ridicule et révoltante cérémonie,a il ne soit jamais question que des prêtres, de leurs priviléges, de leurs biens, de leurs prétentions, et point du tout des droits du Roi et du peuple? Il ne reste plus aux patriotes éclairés et fidèles qu'une consolation : c'est d'espérer que, pendant le règne de Louis XVI, dont nous souhaitons tous le bonheur et la durée, les lumières feront assez de progrès pour que cette cérémonie bizarre et absurde, dont la religion n'est que le prétexte et nullement l'objet, soit enfin abolie sans retour. Le premier ministre du roi de Naples, M. le marquis Tanucci, homme très-éclairé, qui connaissait apparemment en détail tout ce qu'il y a d'odieux et d'insolent dans les formules sacerdotales pour le sacre des rois, a empêché que le roi de Naples d'aujourd'hui ne se soumît à cette espèce d'humiliation. Puissions-nous en faire de même à l'avenir!

L'indignation contre les prêtres m'a emporté si loin, Sire, qu'à peine me laisse-t-elle de la place pour des objets plus intéressants. M. Marggraf,b très-habile chimiste de votre Académie, Sire, est, dit-on, près de sa fin, et aurait besoin d'un successeur. Si V. M. n'avait personne en vue pour le remplacer, et qu'elle voulût bien me témoigner sur ce sujet la même confiance qu'elle a bien voulu déjà me marquer en d'autres occasions, je trouverais peut-être quelqu'un qui pourrait lui convenir, et j'aurais peut-être le bonheur de réussir dans ce choix, comme dans quelques autres qui ont eu l'agrément de V. M. J'ai appris aussi la mort de M. Heinius, directeur de la classe de philosophie. Je crois que M. Béguelina serait très-digne de cette place par son


a Voyez t. XXIII, p. 375 et 376.

b Voyez t. XIX, p. 218. André-Sigismond Marggraf, né en 1709, ne mourut que le 7 août 1782. M. Achard lui succéda à l'Académie de Berlin, comme directeur de la classe de physique.

a Nicolas Béguelin, ancien précepteur du Prince de Prusse, ayant eu le malheur de déplaire au Roi, avait été congédié en 1764. Frédéric-Guillaume Il lui donna des lettres de noblesse le 20 novembre 1786, et le nomma directeur de la classe de philosophie dans l'Académie des sciences. Voyez t. XXIV, p. 509, 511, 512, 518 et 552. Voyez aussi l'Éloge de M. de Béguelin, par Formey, dans les Mémoires de l'Académie royale des sciences et belles-lettres depuis l'avénement de Frédéric-Guillaume II au trône. Années 1788 et 1789. Berlin, 1793, p. 46.