<235>lade. Je souhaite qu'il vive assez pour finir son utile ouvrage sur la révocation de l'édit de Nantes. Hélas! Sire, V. M. a bien raison; cet ouvrage viendra trop tard pour le bonheur de la France; mais peutêtre au moins servira-t-il d'instruction et d'exemple aux malheureux princes qui, dans la suite des siècles, voudraient hasarder de pareilles sottises. Peut-être nous éclairera-t-il sur l'absurdité actuelle de nos lois au sujet des protestants que l'amour de la patrie fait rester encore en France, avec la crainte de voir leurs malheureux enfants déclarés illégitimes et privés des droits de citoyen. Quelle honte pour notre siècle qu'il faille croire en France à la transsubstantiation (voilà un terrible mol à prononcer et à écrire) pour avoir le droit de recueillir l'héritage de ses pères!

Nos princes sont allés à Gibraltar. J'aimerais mieux, pour les Espagnols et pour nous, y voir V. M.; je serais plus sûr du succès de ce siége, qui aura duré, si même il réussit, presque aussi longtemps que celui de Troie, quoique les Espagnols ne soient pas Grecs. On assure que, le 28 de ce mois, neuf cent quatre-vingt-dix bouches à feu tâcheront d'écraser ce rocher. Dieu le veuille, et surtout Dieu accorde bientôt la paix à ceux qui en ont si grand besoin, et qui savent si peu faire la guerre!

Je suis avec la plus profonde et la plus tendre vénération, etc.

260. A D'ALEMBERT.

Le 8 septembre 1782.

Je vous suis obligé de la part que vous prenez à la perte que ma famille vient de faire. A en juger par les événements, il semble que le mauvais tonneau de Jupiter est plus grand et plus plein que celui dont il répand ses faveurs sur les hommes. Dix mauvaises nouvelles pour une bonne. Il y a des personnes qui renoncent volontairement à la vie, mais je n'en sache aucune morte de douleur. Si des malheurs nous accablent, qui ne re-