<224>beau chemin. Gare la suite de ces événements pour la sainte Église catholique, apostolique et romaine. Je ne sais si le successeur de saint Pierre s'appelle dans son voyage l'abbé du Midi; mais il semble que dans ce beau voyage il a été chercher, comme on dit, midi à quatorze heures.

V. M. n'est pas exactement informée sur le compte de l'abbé Raynal. Il a été décrété, il est vrai, par nosseigneurs du parlement, plus ignorants que la Sorbonne, et plus intolérants que les capucins. Mais, devançant cet arrêt foudroyant, l'abbé Raynal s'est mis à couvert et hors de France; ainsi il n'est ni au Châtelet, ni à la Bastille, mais en sûreté à Bruxelles ou ailleurs; car on dit qu'il voyage en ce moment en Allemagne, qu'il a été même très-accueilli d'un vénérable prélat, l'électeur de Mayence. J'imagine qu'il n'oubliera pas, dans ce voyage, de voir le monarque philosophe qui vaut mieux à voir que tous les électeurs, et même tous les Césars, et je ne doute pas que V. M. ne le console des persécutions que le fanatisme lui a fait éprouver.

L'état de notre nouvelle planète ou comète est encore indécis, et sa maison est difficile à lui faire; on commence à croire pourtant qu'elle restera planète, deux fois plus éloignée du soleil que Saturne, et faisant sa révolution en quatre-vingt-deux ans.a Le temps nous éclairera davantage; mais voilà, pour le présent, tout ce que je puis en apprendre à V. M.

Que dit-elle de la prise de Mahon, enlevé presque sans coup férir par un général médiocre et par les Espagnols? Il était écrit que cette place ne serait prise que par de pauvres généraux, Richelieu le premier, et Crillon le second; ce Crillon est le père de celui que V. M. vit il y a quelques années à Berlin avec le prince de Salm.b On dit qu'il va être chargé du siége de Gibraltar, qui pourra être de plus dure digestion. Mais enfin il faut espérer en la Providence, surtout en voyant les sottises multipliées des Anglais sur terre, sur mer, et dans le ministère. Puissent ces sottises bien répétées les forcer à la paix! car pour nous, nous ne demandons pas mieux que de la faire.

V. M. m'a rendu justice en me croyant très-innocent de l'ennui


a Proprement en quatre-vingt-quatre ans, huit jours, dix-huit heures.

b Voyez t. XXIV, p. 682 et 690.