<202>comme Maupertuis l'enseigne,a et je vois ces belles choses avec les yeux de l'esprit, en bénissant l'heureux siècle qui jouira d'un avantage qui n'a point été accordé au nôtre. Et vous vous étonnez que je sois de bonne humeur, que je batte des mains, et que je m'enivre des présages flatteurs que mon imagination me fournit! Souvenez-vous que la tranquillité d'esprit et la gaîté sont la seule espèce de bonheur dont nous puissions jouir; c'est en nous-mêmes qu'il faut chercher notre fortune, non pas dans des choses extérieures qui nous séduisent par de fausses apparences. Des imaginations agréables me consolent des afflictions que me donnent de tristes vérités; faites-en autant, mon cher d'Alembert; profitez du moment de votre existence pour vous peindre tout en beau; que votre imagination ajoute des décorations au monde, qui l'embellissent, pour vous rendre votre existence supportable, et songez que la vie est trop courte pour que ce soit la peine de s'affliger.

Je ne me rappelle point ce M. Dubois dont vous faites mention; je trouverai peut-être à le placer ici; il faudrait le voir. La principale chose est de savoir s'il a des mœurs et de la conduite; c'est de quoi vous pourrez facilement vous instruire. Vous voudrez bien que j'attende votre réponse avant de me décider sur son compte. Je vous souhaite de la santé et de la gaîté, en vous assurant de la part sincère que je prends à tout ce qui vous regarde. Sur ce, etc.


a « Il semble que les perceptions du passé, du présent et de l'avenir ne diffèrent que par le degré d'activité où se trouve l'âme; appesantie par la suite de ses perceptions, elle voit le passé, son état ordinaire lui montre le présent, un état plus exalté lui ferait peut-être découvrir l'avenir. »Lettres de M. de Maupertuis, A Dresde, 1752, lettre XVIII, Sur ta Divination, p. 154. Voyez t. XXIII, p. 9 et 105 de notre édition.