<173>destiné pour lui. Quant à moi, je n'ai pas perdu un moment pour lire et même pour relire cette nouvelle production littéraire et philosophique de V. M. J'y ai trouvé, Sire, les principes les plus sains de littérature, et partout un fonds de raison et de bon goût, tel qu'on devait l'attendre d'un écrivain philosophe, nourri de la lecture des bons modèles, et digne de l'être lui-même. Je ne suis point assez au fait de la littérature allemande pour juger par moi-même si les reproches que lui fait V. M. sont aussi bien fondés qu'ils le paraissent; mais je m'en rapporte sans peine au jugement éclairé de V. M. sur cet objet inconnu pour moi. La manière si juste et si vraie dont elle apprécie nos littérateurs français me persuade qu'elle apprécie avec la même justice et justesse les littérateurs de son pays; et les vues qu'elle propose pour remédier au défaut dont elle se plaint me paraissent les plus saines et les plus utiles qu'il est possible. On dit pourtant que les Allemands se plaignent d'avoir été jugés avec trop de rigueur; cela me paraît assez naturel, mais ne prouve pas encore qu'ils aient raison. Je n'ai trouvé, Sire, dans tout cet excellent ouvrage qu'un seul endroit qui peut donner une légère prise à la critique; encore serait-elle, à certains égards, très-mal fondée. V. M. dit à la page 36 : « Nous prendrons des Latins le Manuel d'Épictète et les Pensées de Marc-Aurèle. »a Sans doute elle n'a voulu parler que de ces deux ouvrages traduits, et qui ont d'ailleurs été écrits dans Rome, ce qui les fait en quelque manière appartenir aux Latins; car V. M. n'ignore pas d'ailleurs que les originaux de ces deux ouvrages sont en grec. Il serait bon que, à une seconde édition, V. M. s'expliquât d'une manière plus précise sur cet objet, pour éviter toute équivoque et ôter aux journalistes allemands tout prétexte de dire là-dessus, à leur ordinaire, quelques lourdes sottises. En voilà assez, Sire, sur les Allemands, malgré l'honneur qu'ils ont de vous avoir pour compatriote et pour souverain. Je me hâte de parler à V. M. d'un autre objet, non moins digne d'éloges peutêtre que son excellent ouvrage : c'est l'éloquence, le bon goût, la noblesse de l'éloge qu'elle fait de l'Impératrice-Reine dans la dernière lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire. Je


a Voyez t. VII, p. 119.