<141>trême gaîté, et l'autre, par sa philosophie pleine à la fois de sensibilité et de force, ne peuvent être l'ouvrage d'un malade. Conservez, Sire, longtemps encore cette santé si précieuse à tant d'hommes, et si redoutable aux ennemis de la paix. Des hommes tels que vous devraient être immortels, et c'est un des malheurs de l'humanité que de les perdre.

Je n'ai reçu que depuis très-peu de jours les six exemplaires que V. M. a bien voulu m'envoyer du très-plaisant et très-philosophique Commentaire sur la Barbe-bleue, et je les ai donnés à des hommes dignes de recevoir ce présent et d'en sentir le prix, admirateurs, ainsi que moi, de V. M., et qui, sans la connaître autrement que par la renommée, lui sont presque aussi dévoués que je le suis. J'ai relu, Sire, il y a peu de jours, cet excellent Commentaire, et j'ai été étonné qu'une idée tout à la fois si heureuse et si naturelle pour se moquer de tout ce que le sot peuple encense ne fût encore venue à personne; car il est bien évident que tous les commentaires sur Isaïe, Ézéchiel et Baruch ne sont pas plus clairs que le vôtre, et sont beaucoup moins plaisants. Oh! que si la presse était un peu plus libre en France, j'aurais fait un bon article de ce Commentaire pour l'un de nos journaux, quoique, à vous dire le vrai, Sire, il y a bien peu de journaux qui soient dignes d'un tel morceau, par toutes les sottises qu'ils renferment. Si je ne puis pas faire connaître cet ouvrage aux Velches, je le ferai connaître du moins à tous ceux qui sont dignes de le lire, et dont le nombre s'augmente de jour en jour, grâce à l'exemple que V. M. donne à l'Europe du plus profond mépris pour toutes les superstitions humaines. V. M. a bien raison d'être indignée du traitement que ces superstitions ont valu en France à la mémoire de Voltaire; j'oserais vous proposer, Sire, une petite réparation qui mortifierait un peu les fanatiques; ce serait de lui faire faire dans l'église catholique de Berlin le service funèbre que nos prélats velches lui ont refusé. On vient encore d'insulter sa mémoire d'une manière indécente dans un plaidoyer fait au parlement de Rouen par un conseiller au parlement de Paris. Nos parlements, Sire, sont plus plats et plus ignorants que la Sorbonne, et c'est assurément beaucoup dire.

M. de Launay, qui compte partir incessamment pour aller