<139>d'abord informé de l'affaire de votre prêtre de Neufchâtel, à qui justice sera faite.

Je voudrais bien que votre santé se rétablît entièrement, ou je vous dirai comme madame Deshoulières,

Oui, c'est désespérer que d'espérer toujours.a

Depuis mon retour à Berlin, j'ai voulu décrasser mon esprit de la rouille de la campagne par un vernis académique. Je me suis entretenu avec M. Formey. Nous avons savamment et profondément discuté, à ma grande édification, les matières les plus graves, dont notre secrétaire perpétuel a voulu me convaincre. Un autre jour, l'homérique Bitaubéb ma fort assuré que l'auteur de l'Iliade et de l'Odyssée était le seul poëte qu'eût produit ce long enchaînement des siècles. Puis je me suis corroboré par les sages réflexions politiques et philosophiques de M. Wéguelin; et comme les soins de la terre m'avaient fait pour un temps oublier le ciel, M. Bernoullic a bien voulu me communiquer l'itinéraire des astres; il m'a appris qu'on soupçonnait la cour de Vénus d'être plus nombreuse qu'on ne l'avait cru, et qu'on avait des indices d'un de ses satellites.d Moi qui vais un peu vite en besogne, j'ai d'abord baptisé ce satellite, que j'ai nommé Cupidon. Je me suis recommandé aux bonnes grâces de cette divinité, du nouveau satellite et des trois Grâces. M. Bernoulli prétend, par le moyen de ce satellite (qui est apparemment un espion), savoir au juste la masse et la taille de la déesse de Cythère, comme s'il l'avait mesurée avec sa ceinture; je l'ai fort prié d'en garder le secret, pour ne point décréditer les chefs-d'œuvre des Phidias et des Praxitèles qui ont sculpté cette déesse si supérieurement. Depuis, j'ai vu M. la Grange, qui a bien voulu tempérer la sublimité de son langage en raison inverse des carrés de mon igno-


a Réminiscence du Misanthrope de Molière, et non des œuvres de madame Deshoulières. Voyez ci-dessus, p. 100.

b Voyez t. XXIII, p. 463.

c L'astronome Jean Bernoulli naquit à Bâle le 4 novembre 1744, et mourut à Cöpenick le 13 juillet 1807. Il vécut depuis 1779 à Berlin, où il fut nommé directeur de la classe des mathématiques dans l'Académie des sciences.

d Voyez la lettre de d'Alembert à Frédéric, du 3 novembre 1764, t. XXIV, p. 428 et 429.