180. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

(Potsdam) 9 avril 1774.



Madame ma sœur,

Je me trouve trop heureux lorsqu'il se présente des occasions de donner à V. A. R. des preuves de mon dévouement; plus heureux encore, madame, si ces occasions de vous offrir mes services étaient plus fréquentes, je les saisirai toujours avec le plus grand empressement. Ma goutte ne mérite pas, madame, l'honneur que vous lui faites; ces infirmités sont les suites de l'âge; le corps se détruit imperceptiblement, et je suis comme ces gens prêts à entreprendre un grand voyage, qui envoient leur gros bagage en avant;297-a le reste suit comme il peut. Pour le voyage que V. A. É. est sur le point de faire à Munich, je l'en félicite de tout mon cœur, connaissant l'attachement qu'elle a pour sa famille et pour sa patrie. Le plaisir de revoir une fille à l'éducation de laquelle vous vous êtes complu, madame, ajoutera encore aux agréments de ce voyage, où vous ne verrez que des objets riants et dignes de vous plaire.

Nous sommes ici dans le deuil; nous venons de perdre la landgrave de Darmstadt,297-b cette princesse si respectable, et qui était <268>bien attachée à V. A. R. Madame la duchesse de Deux-Ponts était venue visiter sa fille; un coup d'apoplexie l'a emportée. La Landgrave n'a pu résister à une scène aussi touchante; son cœur tendre et sensible, frappé trop vivement, ne lui a permis de survivre à madame sa mère que de quatre jours. Cette princesse est regrettée généralement; je perds en elle une fidèle amie, dont le souvenir ne s'effacera jamais de ma mémoire.

Mais, madame, je ne devrais pas entretenir V. A. R. de sujets aussi lugubres. Les Romains ne voulaient pas que, dans leurs jours de fêtes et de cérémonies religieuses, il échappât à quelqu'un des paroles de mauvais augure; à plus forte raison aurais-je dû supprimer tout ce qui pouvait avoir rapport à de pareilles matières, et me borner d'assurer V. A. R. de la haute estime et de l'admiration avec laquelle je suis, etc.


297-a Voyez t. XXIII, p. 407.

297-b Voyez t. XX, p. XII, no IX, et p. 205 et 206; voyez de plus ci-dessus, p. 189 et 192.