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19. DE M. DE CATT.

Potsdam, 26 septembre 1768.



Sire,

Votre Majesté est la bonté même; son âme est faite pour les grandes choses, et son cœur pour les grands sentiments de générosité; plus V. M. pardonnera, plus elle sera elle-même. J'ose la supplier encore, à ses pieds, d'accorder au marquis ce congé qu'il désire;24-a il reviendra, j'en suis sûr; il l'atteste sur ce papier, qui criera contre lui, s'il pouvait manquer à sa parole. Par ce trait généreux, vous conserverez, Sire, un ancien serviteur, un homme honnête qui chérit V. M. Il n'y aurait plus d'excuse pour le marquis, s'il ne revenait point; tout annoncerait son ingratitude, et ce dont est capable un cœur, Sire, comme le vôtre. Le marquis se dira un jour, j'en suis sûr : Pourrais-je vivre ailleurs qu'aux pieds d'un prince si bon, qui peut avoir tant de condescendance? Ah! Sire, qu'elle se laisse fléchir, qu'elle daigne accorder cette grâce; ce sera un bienfait qu'elle répandra sur moi, et dont le souvenir ne finira qu'avec mon existence. Le marquis reparaîtra plus exact, plus attaché, s'il est possible; je n'en doute pas un instant. Il a senti qu'il était de la justice de ne point tirer les appointements pendant son absence; qu'elle en fixe la durée; tout me dit que le marquis reviendra, comme tout me prouve que V. M. a l'âme aussi belle que le cœur tendre, bon et compatissant.25-a

Je suis avec un profond respect,



Sire,

de Votre Majesté
le très-humble, très-obéissant et très-soumis serviteur,
de Catt.


24-a Voyez la correspondance de Frédéric avec le marquis d'Argens, t. XIX, p. 471-473, lettres 314 et 315.

25-a Le Roi a mis de sa main au bas de cette lettre la note suivante : « Le marquis est maître d'aller où il veut; voilà ce que vous lui pouvez dire.Federic »