<76>ne le sont pas à le devenir; et c'est une consolation, dans cette turpitude générale, de trouver au moins de loin en loin quelques-unes de ces âmes divines qui semblent nées pour le bien de l'humanité. C'est comme on se réjouit d'apercevoir quelque habitation d'hommes, après avoir traversé de longs déserts et des contrées sauvages.

Mais n'en voilà que trop; V. A. R. dira, en recevant ma lettre : Je n'ai jamais vu d'animal plus bavard que celui-là. Que pourrais-je vous écrire d'ici, madame, pour vous amuser? Que notre première chanteuse est si excellente, qu'on n'entend pas le mot de ce qu'elle chante; qu'elle marche sur le théâtre comme une poule prête à pondre; que nous avons ici un prince soi-disant arabe, qui ne demande rien, mais qui prend tout ce qu'on lui donne; qu'il paraît un Dictionnaire philosophique de Voltaire, qui fait gémir les zélateurs? Mais tout cela, madame, ne vous touche guère. Permettez que, en finissant cette lettre, je vous renouvelle, à cause de la nouvelle année, les vœux que je fais pour votre prospérité et pour votre conservation, étant, etc.

34. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 25 janvier 1765.



Sire,

En apprenant le premier accueil que Votre Majesté a daigné faire au colonel de Stutterheim, je me suis flattée que ma recommandation pouvait y avoir quelque part. Votre lettre, Sire, me confirme dans une pensée si agréable. L'estime des hommes supérieurs est bien flatteuse, et V. M. a grande raison de dire que leur suffrage est un puissant aiguillon à toutes les vertus. Mais que fais-je, Sire? Je tombe dans le ton du carême, et nous sommes en carnaval. La méprise est pardonnable à une veuve. Éloignée par goût et par état de ces plaisirs bruyants, je réus-