<628>voit mieux que moi les atrocités et les absurdités de toute espèce qui déshonorent ma chère patrie. Mais Dieu avait dit qu'il pardonnerait à Sodome, s'il s'y trouvait seulement dix justes;a et il me semble que la pauvre France n'en est pas encore à ce point d'indigence et de disette. Si le père Bouhours a dit une sottise, il faut la pardonner à ceux qui ne font pas plus de cas que V. M. des jugements et des écrits du père Bouhours.

M. de Villoison me charge de mettre aux pieds de V. M. son profond respect et sa vive reconnaissance. Il attend, ainsi que moi, avec impatience la nouvelle de l'honneur que V. M. veut bien lui faire en l'admettant dans son Académie.

Je suis avec tous les sentiments de respect, de reconnaissance et d'admiration qui ne finiront qu'avec ma vie, etc.

141. A D'ALEMBERT.

Le 28 juillet 1774.

Vous avez deviné juste. Il y a trois semaines que je suis de retour de mes courses, et que je jouis ici de la satisfaction de posséder la duchesse de Brunswic, à laquelle j'ai fait entendre le Duc de Foix et Mithridate, déclamés par Aufresne.a J'avais appris encore avant mon départ la mort de Louis XV,b dont j'ai été sincèrement touché; c'était un bon prince, un honnête homme, qui n'eut d'autre défaut que de se trouver à la tête d'une monarchie dont le souverain doit avoir plus d'activité qu'il n'en avait reçu de la nature. Si tout n'a pas été également bien pendant son règne, il faut l'attribuer à ses ministres plutôt qu'à lui. A présent la malignité publique se déchaîne contre ce bon prince. Que l'inquiétude des Français n'aille pas les mettre dans le cas des grenouilles de la fable, que Jupiter punit de leur


a Voyez ci-dessus, p. 292.

a Voyez t. XXIII, p. 321.

b Louis XV mourut le 10 mai 1774.