<619>Je suis persuadé de toutes les belles choses que Diderot et Grimm écrivent sur la Sémiramis du Nord. Il me semble pourtant que ces Russes, qui, comme j'ai eu l'honneur de le mander il y a quelque temps à V. M., se laissent manger à Spa par les chevaux, commencent à se laisser manger par les janissaires. Si V. M. ne vient à leur secours pour renvoyer les Turcs et les Russes chez eux, je crains qu'à la fin il n'y ait plus ni Russes, ni Turcs, et ce serait grand dommage. Je me souviens que, après la bataille de Zorndorf, où V. M. avait assommé trente mille Russes, un grand Danois me disait froidement : « Il n'y a pas de mal; il est si aisé à Dieu de refaire des Russes! »

J'ai grand désir de lire le Dialogue dont V. M. me fait l'honneur de me parler, et dont la bienheureuse Vierge Marie est un des interlocuteurs. Ne pourrait-elle pas trouver quelque occasion de me l'envoyer, sans qu'il passât par les mains des cerbères?

M. le comte de Crillon, Sire, est digne des bontés et de l'estime de V. M. par son ardeur pour s'instruire, par ses connaissances, par ses vertus, et par son respect pour les grands hommes. C'est le sentiment que vous inspirez, et avec lequel je serai toute ma vie, ainsi qu'avec la plus vive reconnaissance, etc.

137. A D'ALEMBERT.

Le 11 mars 1774.

Vous pouvez être entièrement tranquille sur le sujet des jésuites, qui ne sont plus jésuites que chez moi. Ils sont plus nécessaires que vous ne le pensez en France, pour l'éducation de la jeunesse, dans un pays où les maîtres sont rares, et où, parmi les laïques, on aurait bien de la peine à en trouver, surtout dans la Prusse occidentale. Je suis bien aise que vous soyez d'accord avec moi, qu'on ne peut exercer la clémence qu'après avoir été offensé. Je suis fort étonné des remèdes dont le roi de Sardaigne se sert pour ses fluxions, et je croirais presque que c'est un conte fait