<591>promis de ne donner, de mon côté, copie à personne, mais que je voudrais faire lire à tous les gens de lettres, pour les pénétrer des sentiments qu'ils vous doivent. L'estime que vous marquez pour leur chef mérite toute leur reconnaissance, et la manière dont vous exprimez cette estime est pleine de cette grâce et de ce charme que toutes les lettres de V. M. respirent. L'article des Turcs battus, quoiqu'ils n'aient point de philosophes, est surtout charmant, ainsi que l'article de la lyre de la Henriade, d'Amphion et du poisson qui le porta; et ce que V. M. ajoute, que c'est tant pis pour les .....c s'ils n'aiment pas les grands hommes, est digne de faire proverbe parmi les gens de lettres. Pour moi, ce sera désormais le refrain de tous mes discours, en voyant les lettres opprimées et persécutées comme elles le sont.

Il faut que ces pauvres ignatiens soient bien malades, puisqu'ils ont recours à un médecin tel que V. M., qui en effet n'a guère de remèdes efficaces à leur offrir. Je doute qu'ils soient contents de la réponse de V. M., et qu'ils lui fassent l'honneur de l'affilier à leur ordre, comme ils l'ont fait à notre grand Louis XIV, qui aurait bien pu se passer de cet honneur, et au pauvre misérable roi Jacques II, qui était plus fait pour être frère jésuite que pour être roi. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que le roi d'Espagne, qui sollicite vivement la destruction de cette vermine, soit fort édifié de l'ambassade qu'elle a envoyée à V. M. pour se mettre sous sa protection spéciale. Je ne doute point que quand il saura cette nouvelle intrigue jésuitique, qui leur a valu de la part de V. M. un si excellent persiflage, il ne redouble ses efforts auprès du saint-père pour leur destruction et pour notre délivrance. Je sais que, après l'anéantissement de cet ordre, la philosophie et les lettres n'en seront guère mieux dans la plus grande partie de l'Europe; mais enfin ce sera un nid de chenilles de moins, et de chenilles très-pullulantes et très-dangereuses.

Le jugement que V. M. porte du poëme de M. Helvétius, dans sa lettre à M. de Voltaire,a est, comme tous ses autres jugements, très-juste dans les deux sens de justice et de justesse. Je suis persuadé, ainsi que V. M., que l'auteur aurait retouché ce poëme


c Les Dauphins. Voyez t. XXIII, p. 256.

a Voyez t. XXIII, p. 256 et 257.