<563>pondit à Voltaire, qui le louait sur son poëme de Léonidas : « Mes vers sont bons, dit-il, car je n'ai point d'imagination. »

On dit que le bon Helvétius a laissé dans ses papiers un poëme sur le Bonheur. Je VOUS prie de me dire ce qui en est; j'avoue que je serais curieux de l'avoir, si ce n'est être trop indiscret que de le demander. J'ai bien regretté ce vrai philosophe, qui a donné des marques d'un parfait désintéressement, et dont le cœur était aussi pur que l'esprit facile à s'égarer; mais les philosophes ne sont pas moins sujets aux lois éternelles que les autres hommes, qui, sages et fous, grands et petits, sont obligés de payer ce tribut à la nature, ou plutôt de lui restituer ce qu'elle leur avait prêté pour un temps. Il est très-probable que le bon Helvétius ne lit plus les gazettes, ni les Nouvelles ecclésiastiques, et qu'ainsi il ne s'embarrasse guère des confédérés ni des Turcs; cependant, si quelque nouvelliste de Paris envoie des nouvelles dans le pays où il est, il pourra lui apprendre que tous ces troubles vont s'apaiser, et qu'une paix générale va fermer les plaies que les calamités passées avaient ouvertes; et le sort des confédérés sera sans doute d'être cocus, battus, et contents.a Il n'y aura que les gazetiers de mécontents de la fin de cette guerre; elle mettra fin à leur bavardage sur les conjectures qu'ils font au hasard, et sur les fausses nouvelles qu'ils débitent pour les révoquer l'ordinaire suivant. Voilà ma confession de foi sur les gazetiers, pour répondre à ce que vous me demandez. Mais si vous voulez savoir ce que je pense de la liberté de la presse, et des ouvrages satiriques qui en sont une suite inévitable, je vous avouerai (sans vouloir cependant choquer messieurs les encyclopédistes, que je respecte) que, connaissant les hommes pour m'être assez longtemps occupé d'eux, je suis très-persuadé qu'ils ont besoin de remèdes réprimants, et qu'ils abuseront toujours de toute liberté dont ils jouiront, de sorte qu'il faut, en fait de livres, que leurs ouvrages soient assujettis à l'examen, non pas fait à la rigueur, mais tel cependant qu'il supprime tout ce qui se trouve de contraire à la tranquillité publique, comme au bien de la société, à laquelle la satire est contraire. Mais en même temps je ne vous


a Allusion au titre d'un des contes de La Fontaine, Le Cocu battu et content, nouvelle tirée de Boccace.