<513>V. M. est ce qui m'intéressera toujours le plus jusqu'à la fin de ma vie. C'est avec ces sentiments, et avec le plus profond respect, que je suis, etc.

91. DU MÊME.

Paris, 30 novembre 1770.



Sire,

Me voilà donc encore, puisque Votre Majesté le permet et même l'exige, rentré dans la lice métaphysique,b bien moins contre V. M. qu'avec elle. Ce n'est pas, Sire, par respect seulement que je m'exprime ainsi; c'est parce que, en envisageant de près le sentiment de V. M. sur les matières abstruses que je prends la liberté de discuter avec elle, sa métaphysique et la mienne me paraissent réellement différer si peu, que notre discussion ne doit pas même s'appeler controverse, et encore moins dispute. Je vais donc prendre la liberté de converser encore une fois avec V. M. sur ces questions de ténèbres, bien plus pour m'instruire et m'éclairer que pour la contredire.

Je conviens d'abord avec V. M. d'un principe commun, et qui me paraît aussi évident qu'à elle. La création est absurde et impossible; la matière est donc incréable, par conséquent incréée, par conséquent éternelle. Cette conséquence, toute claire et toute nécessaire qu'elle est, n'accommodera pas les vrais partisans de l'existence de Dieu, qui veulent une intelligence souveraine, non matérielle, et créatrice. Mais n'importe; il ne s'agit pas ici de leur complaire, il s'agit de parler raison.

Je vois ensuite, dans toutes les parties de l'univers, et en particulier dans la construction des animaux, des traces, qu'on peut


b Cette discussion philosophique rappelle celle qui eut lieu en 1737 et 1738 entre Frédéric et Voltaire, sur la liberté. Voyez t. XXI, p. 101, 102, 108 et suivantes, p. 142 et suivantes; t. XXIII, p. 227 et 232; et ci-dessus, p. 79.