<507>non qu'il n'y ait encore de vils pillards dans quelques armées, mais tout cela n'approche pas du dérèglement qui avait lieu autrefois. Ainsi vous voudrez bien que je suspende mon jugement sur l'entretien des grandes armées jusqu'à ce que vous me fournissiez de meilleurs arguments pour les abolir. La politique a d'autres règles sans doute que la métaphysique; mais il en est d'aussi rigoureusement prouvées qu'on en trouve dans la géométrie.

Tout cela, mon cher Diagoras, ne fait pas que je vous en estime moins. On peut être de différente opinion sans se haïr, surtout sans se persécuter. J'ai réfuté l'auteur du Système de la nature, parce que ses raisons ne m'ont pas convaincu; cependant, si on voulait le brûler, je porterais de l'eau pour éteindre son bûcher. Voilà comme il faut penser quand on veut se mêler de philosophie, ou il faut renoncer au titre de philosophe. Or, je vous avertis que si nous poussons notre dispute plus loin sur Dieu et sur la fatalité, nous aurons le malheur de ne nous plus entendre. Je ne saurais vous en dire plus que ce que mes observations et des probabilités m'en ont fourni. Ces matières ne sont pour nous qu'un objet de vaine curiosité et d'amusement; par bonheur, elles n'influent en rien sur la sérénité de nos jours; le grand article est de se bien porter. Je souhaite que votre voyage rétablisse vos organes dans leur élasticité première, que, la dissipation chassant les brouillards de mélancolie qui s'élevaient de votre âme, votre esprit, souffrant moins des influences fatales de la matière, puisse se livrer en toute liberté aux impulsions de votre vaste génie. Sur ce, etc.

88. AU MEME.

1er novembre 1770.

Vous et Voltaire, vous vous égayez sur mon compte lorsque vous me dites que vous me jugez utile au progrès de la philoso-