<470>contenter en faisant une petite sortie sur les comédiens, qui méritaient bien d'être relevés. Je crois que vous avez de la peine, à Paris, à trouver de bons sujets; mais si vous connaissiez ceux qui représentaient cette pièce, votre troupe, en comparaison, vous paraîtrait divine. Si, comme le disent les philosophes, toutes les occupations des hommes sont des jeux d'enfants, autant vaut-il faire un mauvais prologue que de troubler la tranquillité de l'Europe. Je n'ai rien à démêler ni avec Mahomet, ni avec les Sarmates qui s'entre-déchirent. Je vis en paix et en bonne intelligence avec tous mes voisins, et je fais des vaudevilles pour m'amuser. J'ignore ce que pense l'infaillible qui siége aux sept montagnes; mais je sais qu'il s'intéresse pour achever et perfectionner notre église catholique de Berlin, et qu'il ne me hait pas, me regardant comme un des suppôts de sa garde prétorienne, qu'on veut le contraindre à licencier. Il se contente de disputer pied à pied les restes d'un crédit idéal qui lui fait craindre une banqueroute prochaine. Il se trouve dans le cas de votre contrôleur des finances; mais je parierais bien que la France, comme le plus ancien royaume de l'univers, aura le pas de la banqueroute, et que vos bourses se trouveront vides avant que le règne de la superstition soit aboli.

La question que vous proposez à notre Académie est d'une profonde philosophie. Vous voulez que nous scrutions la nature et la trempe de l'esprit humain, pour décider si l'homme est susceptible d'en croire plutôt le bon sens que son imagination. Selon mes faibles lumières, je pencherais pour l'imagination, parce que le système merveilleux séduit, et que l'homme est plus raisonneur que raisonnable. Je m'appuie, dans ce sentiment, sur l'expérience de tous les temps et de tous les âges. Vous ne trouverez aucun peuple dont la religion n'ait été un mélange de fables absurdes, et d'une morale nécessaire au maintien de la société. Chez les Égyptiens, chez les Juifs, chez les Perses, chez les Grecs et les Romains, c'est la Fable qui sert de base à la religion. Chez les peuples de l'Afrique, vous trouvez pareillement ce système merveilleux établi; et si vous ne rencontrez point la même démence dans les îles Mariannes, c'est que leurs habitants n'avaient