<437>Dauphin. Vous aurez la feuille des bénéfices, vous donnerez un archevêché à Voltaire, un évêché à Jean-Jacques, une abbaye à d'Argens, et les affaires n'en iront que mieux.

Il y a eu grand bruit à Ferney; on ne sait pas ce qui peut y avoir donné lieu. Le patriarche a chassé Agar de sa maison; il a pris le divin déjeuner, s'en est fait donner le certificat, et l'a envoyé à Versailles, signe certain de quelque persécution nouvelle. Mais comme tout le monde sait jusqu'où il porte la ferveur de la foi, il échappera sans doute aux calomnies de ses envieux.

Je voudrais que votre santé se rétablît, et que votre courage triomphât des tracasseries comme votre raison des erreurs. Souvenez-vous que Galilée fut plus maltraité que vous ne l'êtes, que Des Cartes fut banni de sa patrie, que Bayle fut obligé de la quitter, que Michel Servet fut brûlé, et que les cendres de ceux qui l'ont été pour une aussi belle cause formeraient des montagnes comme Montmartre, si l'on pouvait les rassembler. Adieu; je vous recommande la paix de l'âme comme le premier mobile de la santé du corps. En philosophant, il est bon d'éclairer les autres, mais il ne faut pas s'oublier soi-même. Veillez donc à votre conservation, à laquelle je m'intéresse plus que personne. Sur ce, etc.

49. DE D'ALEMBERT.

Paris, 20 juin 1768.



Sire,

J'en demande pardon à Votre Majesté, je reconnais toute sa supériorité en politique comme en tout le reste, mais je ne vois pas autant d'avantages qu'elle pour la malheureuse philosophie dans toutes les sottises qu'il plaît au Saint-Esprit d'inspirer au grand lama. Je m'attends seulement que le très-saint père recevra de ses très-chers enfants les princes catholiques quelques coups de pied dans le ventre, ou dans le derrière, comme il plaira à V. M.; mais je n'espère pas qu'aucun philosophe devienne ni grand au-