<288>c'est le cri général de la raison; ils retentissent dans mon âme autant et plus que dans aucun endroit de l'univers. Les souhaits de V. M. pour ma fille lui ont porté bonheur. Quand je reconnaissais en vous le don de prophétie, ce n'était pas pour les fils ou pour les filles à naître, ce n'était que pour la conservation de la paix de l'Europe, ce qui, comme vous savez, est peu de chose au prix d'un pronostic de naissance. Mais je vois bien, Sire, que pour réussir complétement, même en métier de prophète, vous n'avez qu'à vouloir. Daignez de même me dire que Frédéric sera toujours mon ami, ainsi qu'il sera toujours mon héros; qu'il conservera toujours le désir de me revoir encore, tel qu'il me l'a fait paraître dans sa dernière lettre. Cette espérance redoublera mon empressement à retourner au sein de ma famille, afin d'y attendre les ordres de V. M. pour me retrouver encore une fois au comble du bonheur, à portée d'admirer de nouveau le grand Frédéric, et d'oser lui rendre en personne les plus respectueux hommages et les témoignages du plus inviolable attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.

196. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

(Potsdam) 5 août 1776.



Madame ma sœur,

Je n'aurais pas tardé si longtemps à répondre à la lettre obligeante de V. A. R., si le séjour du grand-duc de Russiea n'eût absorbé le peu de moments que je puis avoir de reste. Ce prince aimable fait honneur à l'éducation que madame sa mère lui a donnée, et il a enlevé tous les cœurs de ceux qui l'ont approché. Il vient de reprendre aujourd'hui le chemin de la Russie; il ne s'arrêtera en chemin qu'une couple de jours chez mon frère Henri,


a Le grand-duc Paul Petrowitsch, arrivé à Berlin le 21 juillet. Voyez t. VI, p. 136 et 137, et t. XXIII, p. 431.