<191>

124. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 19 février 1770.



Sire,

Votre Majesté est inépuisable en tout. Elle trouve toujours quelque nouveau moyen de me témoigner ses bontés, et chaque lettre, Sire, que vous voulez bien m'écrire augmenterait mon admiration et ma reconnaissance, si des sentiments tels qu'ils sont dus à Frédéric pouvaient être susceptibles de gradation. Vous me traitez, Sire, un peu de petite déesse. Si je l'étais, votre apothéose se ferait sonica. Je ne sais pourtant pas trop si vous y gagneriez. Le monde vous dresse déjà des autels, et vos grandes actions vous ont acquis l'immortalité à plus juste titre que tout ce que les divinités de jadis ont fait de plus brillant. J'ai lu avec avidité le discours que V. M. m'a envoyé. On ne peut y méconnaître le grand Frédéric. Certainement aucune leçon ne peut être plus efficace que celle que l'intérêt de notre amour-propre même nous dicte. Vous, Sire, qui contribuez plus que personne à éclairer les hommes, rendez encore à l'humanité le service d'engager cet auteur incomparable à faire écrire sous ses yeux le catéchisme qu'il propose, et qui deviendra le code de l'univers. Je vous le demande avec instance, au nom de tous les mortels qui ont l'honneur d'habiter ce petit globe avec vous. Je serai la première à en faire usage pour mes enfants, dont l'éducation est le premier objet de tous mes soins.

M. de Keith est assurément un homme fort estimable. Depuis qu'il est de retour, nous ne cessons de nous entretenir de V. M. Il me semble qu'on ne peut valoir quelque chose que lorsqu'on a approché Frédéric; et ce qu'il y a de bien sûr, c'est qu'il n'y a pour moi de conversation véritablement intéressante qu'avec ceux qui ont vu Berlin, Potsdam, et surtout le maître de tant de merveilles. Votre prima virtuosa, qui se trouve ici, m'est encore d'un grand secours; je la fais bien moins chanter que causer.

De toutes les choses agréables que V. M. me mande, la certitude de la grossesse de la Princesse de Prusse est celle qui me