<183>que quand je cesserai de vivre. Encore me flatté-je que des sentiments aussi vifs doivent survivre au tombeau. Mais puisqu'enfin je ne puis répondre que jusque-là, croyez au moins, Sire, que seul il peut être le terme de la haute estime et de la reconnaissance inexprimable avec lesquelles je suis, etc.

119. DE LA MÊME.

Dresde, 11 décembre 1769.



Sire,

Je vous rends mille et mille grâces d'avoir accordé à ce pauvre jeune homme de Pöllnitz la permission de venir me voir.a Je n'ai cessé de lui parler de V. M. Depuis les heureux moments que j'ai passés chez elle, c'était le seul plaisir dont je fusse susceptible. Le moyen de renfermer en soi tant d'admiration, quand le cœur en abonde? Il est vrai, Sire, qu'il n'est pas bien difficile de trouver des gens qu'on puisse entretenir de Frédéric le Grand; l'Europe n'a qu'une voix pour lui. Mais c'est encore de Frédéric le sage, de Frédéric l'aimable que je veux causer; et il faut avoir eu le bonheur de vous approcher, Sire, pour parler dignement de tant de qualités sublimes dont la réunion paraîtra toujours incroyable à tout autre qu'à des témoins oculaires. J'ai bien exercé le caquet du baron, et je le vois partir avec le regret de perdre le plus agréable objet de mes entretiens. Il s'est d'ailleurs très-bien conduit, et, malgré sa grande jeunesse, je puis assurer V. M. qu'il n'a pas commis la moindre étourderie. Il a vu un genre de tapisserie de ma façon; et, comme il est fin courtisan, il a voulu me flatter par l'endroit le plus sensible, en me faisant croire que ce genre pourrait plaire à V. M. Je n'ai rien eu de plus pressé que de le prier d'en remporter un échantillon, et de me marquer sincèrement s'il avait rencontré votre approbation. Vous dirai-je mon secret, Sire? Aussi bien Pöllnitz me trahirait-il. Je


a Voyez t. XX, p. v-vII, et p. 111, n° 40.