<166>soit aussi heureux, madame, que vous pouvez le désirer, et que vous soyez durant une longue suite d'années spectatrice de la nombreuse génération qui en naîtra. Je suis tout glorieux de l'invitation que vous daignez me faire de me trouver à ce mariage; si je ne consultais que mes désirs, j'aurais volé à votre Olympe pour vous voir, vous entendre et vous admirer. Ce premier mouvement passé, les réflexions ont suivi, et je me suis dit à moi-même : Vieux radoteur, vieux goutteux que tu es, il te siérait bien d'assister aux noces de Psyché et de l'Amour! Tu y paraîtrais comme Vulcain, dont la seule démarche causait ce rire inextinguible des dieux, dont Homère se complaît à faire la description.a Je me suis rappelé ces vers que Boileau a si bien traduits :

Malheureux, laisse en paix ton cheval vieillissant, De peur que tout à coup, essoufflé, sans haleine, Il ne laisse, en tombant, son maître sur l'arène.b

Cet humiliant retour sur moi-même a rabaissé ou éteint ces lueurs de mon amour-propre que la lettre de V. A. R. n'avait que trop attisées. Cela n'a en rien diminué le prix de votre obligeante invitation, et je me nourris encore de l'idée flatteuse de pouvoir, à une occasion plus favorable et moins bruyante, vous exposer de vive voix tous les sentiments de haute estime, de considération et d'admiration avec lesquels je suis, etc.

107. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 15 avril 1769.



Sire,

Depuis la dernière lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire, j'ai eu un fils et une bru malades, et j'ai fini par


a Iliade, chant I, v. 599 et 600.

b Voyez ci-dessus, p. 31.