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11. AU MÊME.

(Camp de Seitendorf) ce 18 (juillet 1762).

Je vous envoie des versc que j'ai faits hier pour vous pendant la pluie. J'ai reçu aujourd'hui une nouvelle qui m'accable, et dont malheureusement vous ne serez que trop tôt instruit à Breslau. J'en suis si consterné et si affligé, que je ne sais encore de quel côté me tourner. Il n'y a pour moi que des lueurs d'espérance, mais des malheurs réels qui m'accablent. Les belles prophéties sont toutes démenties;d et Dieu sait quel destin m'attend encore. Adieu, mon cher; mon cœur est si affligé, qu'il m'est impossible de vous en dire davantage.e

12. AU MÊME.

(Camp de Dittmannsdorf) ce 26 (juillet 1762).

Voici encore des vers pour votre belle,a capables de soutenir votre réputation poétique; comme ils se trouvent à peu près de la même trempe que les premiers, on les trouvera aussi bons que les autres. Nous allons commencer un siége, ou, pour mieux dire, nous ne savons ce que nous faisons. Nous sommes dans un chaos d'événements, de contradictions, d'embarras et d'incertitudes; et nous avons l'effronterie d'affecter un maintien comme si de rien n'était. Je suis excédé du fichu rôle que je joue, et je donne mes affaires, la guerre et mon existence au diable cent fois


c Vers à la belle. Voyez t. XIV, p. 143.

d On avait prédit au Roi qu'il gagnerait une bataille dans l'année, et que la paix aurait lieu. Il s'amusait quelquefois à écouter de pareils propos. Voyez t. XIX, p. 125 et 126.

e Le Roi avait mis dans l'enveloppe de cette lettre un billet conçu en ces termes : « Mon cher Pierre III détrôné, mort! Est-il un sort pareil au mien! » Pierre III, détrôné le 9 juillet 1762, mourut le 17. Voyez t. V, p. 214 et 215; t. XVIII, p. 170; et t. XIX, p. 375.

a Voyez t. XIV, p. 144 et 145.