<143>en parler, non comme à l'électrice de Saxe, mais comme au beau génie qui protége les arts dans cette région. Protégez-les toujours, madame; la gloire que ces arts donnent est préférable à la plus illustre naissance, comme au plus haut degré d'élévation où les hommes puissent monter. Les aimer, les protéger et les cultiver comme V. A. R., c'est avoir acquis un mérite personnel, le seul que l'on estime et que l'on révère dans les princes. Pour moi, dilettante indigne, tout ce que je puis, c'est de vous applaudir dans la foule, et de vous rendre des hommages sincères. C'est avec cette admiration que je suis avec la plus haute estime, etc.

89. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 26 octobre 1767.



Sire,

Vous êtes toujours Frédéric; soit que Votre Majesté parle de philosophie ou d'opéra, de guerre ou des beaux-arts, la même lumière éclaire votre esprit, et lui montre tous les objets dans leur vrai point de vue. J'en dirais davantage, Sire, si vous me prodiguiez moins de louanges; mais, en vérité, V. M. me met dans l'embarras, quoique je voie bien que sa politesse cherche seulement à me conserver les prérogatives de mon sexe. Je suis très-persuadée que, dans les fêtes que vous donnez à une nièce chérie, on reconnaîtra le génie qui a dirigé tant de choses plus importantes, et l'univers aimera à vous voir occupé de ces amusements. J'ai bien ri, Sire, de l'espérance où vous êtes que de bons Hollandais prendront aisément un jeune garçon pour une fille. Cette métamorphose est ordinaire à Rome, comme l'observe V. M., et elle se persuade sans doute que c'est par décence et par un excès de scrupule que ces vieux célibataires substituent, sur le théâtre, des garçons sans barbe aux femmes et aux filles. Mais ce scrupule me paraît plaisant dans des septuagénaires.