<112>leurs droits réels ou imaginaires, ils ne cèdent qu'en des bagatelles, et se roidissent en ce qui est essentiel.

Je ne vous fais pas, madame, le tableau de ce qui devrait être, mais de ce qui est, et dont l'expérience frappe journellement ceux qui font attention comme le monde va. Platon était un grand philosophe; il composa les lois de sa république dans le cabinet, sans consulter l'expérience, sans consulter le génie de l'esprit humain, ni de la possibilité des choses, et sa république n'est qu'un fantôme politique inexécutable. On peut l'appeler la chimère d'un homme vertueux. De là, madame, je conclus que bien des choses paraissent faciles dans la méditation du cabinet, qui se refusent à l'exécution, non pas manque de bonne volonté qu'on y apporte, mais par l'opposition des difficultés qui se trouvent dans la chose, qui se découvrent dans l'examen, et qu'on n'avait pu prévoir.

Que je serai heureux, madame, quand je n'aurai plus à vous entretenir de Platon, ni de droit, ni de philosophie, et que, entièrement livré à mon penchant, je pourrai m'étendre sur la haute estime et sur l'admiration avec laquelle je suis, etc.

64. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 12 mai 1766.



Sire,

Quels que soient l'énergie et les agréments répandus dans l'expression des principes de V. M., j'ose quelquefois m'en défier et résister aux charmes de vos arguments. Vous avez, Sire, autant de force dans le style, autant de ressources d'imagination, que ces philosophes séduisants de nos jours qui essayent de revêtir le paradoxe des attraits de la vérité. Platon, dites-vous, a créé une république fantastique; c'est l'illusion d'une âme vertueuse. Où en sommes-nous, s'il est constaté que la vertu portée à son