<45>votre curiosité, il vous suffira de savoir que l'abbé eut la faiblesse de se laisser séduire, pendant mon séjour à Dresde, par un secrétaire que Broglieb y avait laissé en partant. Il se fit nouvelliste de l'armée; et comme ce métier n'est pas ordinairement goûté à la guerre, on l'a envoyé jusqu'à la paix dans une retraite d'où il n'y a aucunes nouvelles à écrire. Il y a bien d'autres choses; mais cela serait trop long à dire. Il m'a joué ce beau tour dans le temps même que je lui avais conféré un gros bénéfice dans la cathédrale de Breslau.c

Vous avez fait le Tombeau de la Sorbonne;d ajoutez-y celui du parlement, qui radote si fort, qu'il ne la fera pas longue. Pour vous, vous ne mourrez point. Vous dicterez encore, des Délices, des lois au Parnasse; vous caresserez encore l'infâmee d'une main, et l'égratignerez de l'autre; vous la traiterez comme vous en usez envers moi et envers tout le monde.

Vous avez, je le présume,
En chaque main une plume;

L'une, confite en douceur,
Charme par son ton flatteur
L'amour-propre qu'elle allume,
L'abreuvant de son erreur;
L'autre est un glaive vengeur
Que Tisiphone et sa sœur
Ont plongé dans le bitume,
Et toute l'acre noirceur
De l'infernale amertume;
Il vous blesse, il vous consume,
Perce les os et le cœur.
Si Maupertuis meurt du rhume,
Si dans Bâle on vous l'inhume,
Ce glaive en sera l'auteur.


b Voyez t. IV, p. 115.

c L'abbé de Prades, qui avait été excommunié, devait aussi à Frédéric sa réconciliation avec l'Église. Voyez t. XIV, p. 130, et t. XIX, p. 43.

d Voyez t. XXII, p. 342.

e Voyez t. XII, p. 128; t. XIII, p. 124 et 196; t. XIV, p. 83; t. XV, p. 23, 24, 25, 26, 27; et t. XIX, p. 72, 79, 80 et 443. Le mot l'infâme, dont Voltaire se sert fréquemment, est employé pour la première fois par Frédéric dans sa lettre au marquis d'Argens, du 2 mai 1759.