<327>

517. DU MÊME.

(Ferney) mai 1775.

Sire, c'est à Aristide que j'écris aujourd'hui, et je laisse là Alexandre et Alcide jusqu'à la première occasion.

Je me jette à vos pieds avec Morival. Voici où il en est. Les gens qui sont aujourd'hui les maîtres du royaume des Velches lui donneront sa grâce; et cette grâce pourra le mettre, dans quinze ou vingt ans, en possession d'une légitime de cadet de Normandie. Mais nos belles lois exigent que, pour être en état de recueillir un jour cette portion d'héritage si mince, on se mette à genoux devant le parlement, qui est le maître d'enregistrer la grâce ou de la rejeter.

Morival est un garçon pétri d'honneur. Il trouve qu'il y aurait de l'infamie à paraître à genoux, avec l'uniforme d'un officier prussien, devant ces robins. Il dit que cet uniforme ne doit servir qu'à faire mettre à genoux les Velches.

C'est à peu près ce qu'il mande à votre ministre à Paris. J'approuve un tel sentiment, tout Velche que je suis; et je me flatte qu'il ne déplaira pas à V. M.

Vous avez eu la bonté de nous écrire que vous seriez notre dernière ressource. Vous avez toujours été la seule; car j'ai toujours mandé à la famille et à nos amis de Paris que nous ne voulions point de grâce. Nous n'attendons rien que de vos bontés. Vous avez permis que d'Étallonde Morival s'intitulât ingénieur et adjudant de V. M. Ces titres, qui, ce me semble, ne donnent aucun grade militaire, peuvent s'accorder dans vos armées sans faire aucun passe-droit à personne.

Pour peu que V. M. daigne lui donner de légers appointements, il subsistera très-honorablement avec les petits secours de sa famille et de ses amis. Il viendra recevoir vos ordres au moment où vous l'ordonnerez. Faites voir à l'Europe, je vous en conjure, combien votre protection est au-dessus de celle de nos parlements. Vous avez daigné secourir les Calas; d'Étallonde est opprimé bien plus injustement; il est la victime d'une superstition et d'un fanatisme que vous haïssez autant que je les abhorre.