<315>J'espère envoyer à V. M., dans quelques mois, un petit précis de son aventure velche; vous en serez bien étonné. Je souhaiterais qu'il ne plaidât que devant votre tribunal. C'est une chose bien extraordinaire que la nation velche. Peut-on réunir tant de superstition et tant de philosophie, tant d'atrocité et tant de gaîté, tant de crimes et tant de vertus, tant d'esprit et tant de bêtise? Et cependant cela joue encore un rôle dans l'Europe! Il ne faudrait qu'un Louvois et qu'un Colbert pour rendre ce rôle passable; mais Colbert, Louvois et Turenne ne valent pas celui dont le nom commence par un F, et qui n'aime pas qu'on lui donne de l'encens par le nez.

En toute humilité, et avec les mêmes sentiments que j'avais il y a environ quarante ans,

Le vieux malade de Ferney.

510. A VOLTAIRE.

Le 23 février 1775.

Aucun monarque de l'Europe n'est en état de me faire un don comme celui que je viens de recevoir de votre part. Que de choses charmantes contenues dans ce volume! Et quel vieillard, quel esprit pour les composer! Vous êtes immortel, j'en conviens; moi qui ne crois pas trop à un être distinct du corps, qu'on appelle âme, vous me forceriez d'y croire; toutefois serez-vous le seul des êtres pensants qui ait conservé à quatre-vingts ans cette force, cette vigueur d'esprit, cet enjouement et ces grâces qui ne respirent plus que dans vos ouvrages. Je vous en félicite, et j'implore la nature universelle qu'elle daigne conserver longtemps ce réservoir de pensées heureuses dans lequel elle s'est complu.

Je trouve d'Étallonde bien heureux de se trouver à la source d'où nous viennent tant de chefs-d'œuvre; il peut prendre hardiment quel titre il trouvera le plus convenable pour l'aider à sauver les débris de sa fortune. D'Alembert me mande que la robe