<299>tendu le cri public de l'Europe à l'occasion de ce massacre de La Barre; il en a honte, et il tâchera de réparer en cette affaire ce qui est réparable. Mais le parlement peut-être ne sera pas docile; ainsi je ne réponds encore de rien.

Prenez bien soin de votre santé pendant le froid rigoureux qui commence à se faire sentir, et comptez que le Philosophe de Sans-Souci s'intéresse plus que personne à la conservation du Patriarche de Ferney. Vale.

500. DE VOLTAIRE.

Ferney, 13 décembre 1774.

Sire, pendant que votre officier de Ferney dessine des montagnes et fait des plans de fortifications, le vieillard de Ferney se jette à vos pieds, et envoie à V. M. les charges énoncées contre cet officier dans le procès criminel aussi absurde qu'exécrable intenté contre lui. Ce procès est beaucoup plus atroce que celui des Calas, et rend la nation plus odieuse; car du moins les infâmes juges des Calas pouvaient dire qu'ils s'étaient trompés, et qu'ils avaient cru venger la nature; mais les singes en robes noires qui ont osé juger d'Étallonde sans l'entendre, et même sans entendre le procès, n'ont voulu venger que la plus sotte des superstitions, et se sont conduits contre les lois aussi bien que contre le sens commun.

Ce mot de religion, dont on s'est servi pour condamner l'innocence au plus horrible supplice, faisait une grande impression sur l'esprit du feu roi de France; il croyait s'attacher le clergé par ce seul mot; et même à la mort du Dauphin, son fils, il écrivit ou on lui fit écrire une lettre circulaire dans laquelle il disait qu'il n'aimait son fils que parce qu'il avait beaucoup de religion. Voilà ce qui a causé la mort du chevalier de La Barre et la condamnation de votre officier d'Étallonde. Il est à vous pour jamais, et soyez très-sûr qu'il est digne de vous appartenir.