<292>a condamné Louis XIV de son vivant, de ce qu'il avait entrepris la guerre de la succession; à présent on lui rend justice, et tout juge impartial doit avouer que c'aurait été lâcheté de sa part de ne pas accepter le testament du roi d'Espagne. Tout homme fait des fautes, et par conséquent les princes. Mais le vrai sage des stoïciens et le prince parfait n'ont jamais existé, et n'existeront jamais.

Les princes comme Charles le Téméraire, Louis XI, Alexandre VI, Louis Sforce, sont les fléaux de leurs peuples et de l'humanité; ces sortes de princes n'existent pas actuellement dans notre Europe. Nous avons deux rois fous à lier, nombre de souverains faibles, mais non pas des monstres comme aux quatorzième et quinzième siècles. La faiblesse est un défaut incorrigible; il faut s'en prendre à la nature, et non pas à la personne. Je conviens qu'on fait du mal par faiblesse; mais dans tout pays où la succession au trône est établie, c'est une suite nécessaire qu'il y ait de ces sortes d'êtres à la tête des nations, parce qu'aucune famille quelconque n'a fourni une suite non interrompue de grands hommes. Croyez que tous les établissements humains ne parviendront jamais à la perfection. Il faut se contenter de l'a peu près, et ne pas déclamer violemment contre les abus irrémédiables.

Je viens à présent à votre Morival. J'ai chargé le ministre que j'ai en France d'intercéder pour lui, sans trop compter sur le crédit que je puis avoir à cette cour. Des attestations de la vie d'un suppliant se produisent dans des causes judiciaires; elles seraient déplacées dans des négociations, où l'on suppose toujours, comme de raison, que le souverain qui fait agir son ministre n'emploierait pas son intercession pour un misérable. Cependant, pour vous complaire, j'ai envoyé un petit attestat, signé par le commandant de Wésel, à d'Alembert, qui en pourra faire un usage convenable.

Pour votre pouls intermittent, il ne m'étonne pas : à la suite d'une longue vie, les veines commencent à s'ossifier, et il faut du temps pour que cela gagne la veine cave; ce qui nous donne encore quelques années de répit. Vous vivrez encore, et peut-être m'enterrerez-vous. Des corps qui, comme le mien, ont été abîmés