<289>sera celle des lettres; je vois avec douleur leur dépérissement, soit faute de génie, ou corruption de goût qui paraît gagner le dessus. Dans quelques siècles d'ici on traduira les bons auteurs du temps de Louis XIV, comme on traduit ceux du temps de Périclès et d'Auguste. Je me trouve heureux d'être venu au monde dans un temps où j'ai pu jouir des derniers auteurs qui ont rendu ce beau siècle si fameux. Ceux qui viendront après nous naîtront avec moins d'enthousiasme pour les chefs-d'œuvre de l'esprit humain, parce que le temps de l'effervescence est passé; il se borne aux premiers progrès, qui sont suivis de la satiété et du goût des nouveautés bonnes ou mauvaises.

Vivez donc autant que cela sera possible, et soutenez sur vos épaules voûtées, comme un autre Atlas, l'honneur des lettres et de l'esprit humain. Ce sont les vœux que le Philosophe de Sans-Souci fait pour le Patriarche de Ferney.

494. AU MÊME.

Potsdam, 8 octobre 1774.

Les négociations de la paix de Westphalie n'ont pas coûté plus de peine à Claude d'Avaux, comte de Mesme, et au fameux Oxenstjerna, qu'il ne vous en coûte à solliciter la grâce de Jacques-Marie Bertrand d'Étallonde à la cour de France. Votre négociation éprouve tous les contre-temps possibles. Voilà un chancelier sans chancellerie qui vous devient inutile, un nouveau venu que peut-être vous ne connaissez pas, et qu'il faudra prévenir par quelques vers flatteurs avant d'entamer l'affaire de Jacques-Marie, enfin un témoignage que vous me demandez, et qui n'est pas selon le style de la chancellerie.

On prétend qu'un attestat de l'officier général dans le régiment où il sert est suffisant, et que les princes ne doivent pas s'abaisser à demander grâce à d'autres princes pour ceux qui les servent, ou il faut en faire une affaire ministérielle. Voilà ce qu'on dit.