<27>Pour moi, je suis sur le point de recommencer ma maudite vie errante. Souvent il m'arrive de recevoir des lettres de Berlin vieilles de six mois; ainsi je ne fais pas état de recevoir sitôt votre réponse. Mais j'espère que vous n'oublierez point un ouvrage qui sera de votre part un acte de reconnaissance. Adieu.

349. AU MÊME.

Breslau, 12 mars 1759.

Il faut avouer que vos mois ne ressemblent pas aux semaines du prophète Daniel;a ses semaines sont des siècles, et vos mois des jours.

J'ai reçu cette odeb qui vous a si peu coûté, qui est très-belle, et qui certainement ne vous fera pas déshonneur. C'est le premier moment de consolation que j'ai eu depuis cinq mois. Je vous prie de la faire imprimer, et de la répandre dans les quatre parties du monde. Je ne tarderai pas longtemps à vous en témoigner ma reconnaissance.

Je vous envoie une vieille Épîtrec que j'ai faite il y a un an; et comme il y est parlé de vous, c'est à vous à vous défendre, si vous croyez qu'on le puisse. Ce sont de mauvais vers, mais je suis persuadé que ce sont des vérités qu'ils disent. Je pense au moins ainsi. Plus on vieillit, et plus on se persuade que Sa sacrée Majesté le Hasard fait les trois quarts de la besogne de ce misérable univers, et que ceux qui pensent être les plus sages sont les plus fous de l'espèce à deux jambes et sans plumes dont nous avons l'honneur d'être.a

On peut en conscience me pardonner et des solécismes, et de


a Daniel, chap. IX, v. 24-27. Voyez t. XVIII, p. 33 et 110.

b Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 460-466.

c Voyez notre t. XII, p. 64-79.

a Voyez t. XIX, p. 64 et 176. Frédéric écrivait à Voltaire, le 26 décembre 1737 (t. XXI, p. 145) : « Le hasard est un mot vide de sens. »