<77>Cependant la douce Éminence,
Ce roi tranquille de la France.
Etendant partout ses bienfaits,
Vers les frontières alarmées
Fait déjà marcher quatre armées,
Seulement pour donner la paix.

J'aime mieux Jordan qui s'allie
Avec certain Anglais impiea
Contre l'idole des dévots,
Contre ce monstre atrabilaire
De qui les fripons savent faire
Un engin pour prendre les sots.

Autrefois Julien le sage,
Plein d'esprit, d'art et de courage,
Jusqu'en son temple l'a vaincu;
Ce philosophe sur le trône,
Unissant Thémis et Bellone,
L'eût détruit, s'il avait vécu.

Achevez cet heureux ouvrage.
Brisez ce honteux esclavage

Qui tient les humains enchaînés;
Et, dans votre noble colère,
Avec Jordan le secrétaire,
Détruisez l'idole, et vivez.

Vous que la raison pure éclaire,
Comment craindriez-vous de faire
Ce qu'ont fait vos braves aïeux,
Qui, dans leur ignorance heureuse,
Bravèrent la puissance affreuse
De ce monstre élevé contre eux.

Hélas! votre esprit héroïque
Entend trop bien la politique;
Je vois que vous n'en ferez rien.
Tous les dévots, saisis de crainte,
Ont déjà partout fait leur plainte
De vous voir si mauvais chrétien.


a A partir du temps où cette lettre fut écrite, Frédéric donna à son ami Jordan le surnom de Tindalien, par allusion au déiste anglais Tindal, dont ce savant aimait les ouvrages. Nous ne savons, du reste, si Jordan a jamais traduit aucun auteur anglais. Voyez t. XVII, p. 149, 166, 193, 190, 198, 204, etc.