<206>assez au naturel. Celle qu'on mène à Potsdam, auprès de V. M., est un peu différente, et j'attends vos ordres pour jouir encore de l'honneur que vous daignez me faire. Sain ou malade, il n'importe; je vous ai promis que je partirais dès que madame du Châtelet serait relevée de couche; ce sera probablement pour le milieu de septembre, ou, au plus tard, pour la fin. Ainsi je ferai bientôt, pour voir mon Auguste, un voyage un peu plus long que Virgile n'en faisait pour voir le sien. J'apporterai à vos pieds tout ce que j'ai fait, et vous daignerez me faire part de vos ouvrages. Après cela, je mourrai content, et je pourrai bien me faire enterrer dans votre église catholique. Un Anglais fit mettre sur son tombeau : Ci-gît l'ami du chevalier Sidney.a Je ferai mettre sur le mien : Ci-gît l'admirateur de Frédéric le Grand.

Il n'y a pas longtemps qu'un prince, en lisant une nouvelle édition qu'on vient de faire de votre Antimachiavel, fut fâché de ce que vous dites de Charles XII. « Il a beau faire, dit-il en colère, il ne l'effacera pas. » On lui répondit : « Charles XII a été le premier des grenadiers, et le roi de Prusse est le premier des rois, »

Croyez, Sire, que mon enthousiasme pour vous a toujours été le même, et que si vous étiez roi des Indes, je ferais le voyage de Lahore et de Delhi. Croyez que rien n'égale le profond respect et l'éternel attachement de V.

240. A VOLTAIRE.

Sans-Souci, 15 août 1749.

Si mes vers ont contribué à l'Épître que je viens de recevoir, je les regarde comme mon plus bel ouvrage. Quelqu'un qui assista à la lecture de cette Epître s'écria dans une espèce d'enthousiasme : « Voltaire et le maréchal de Saxe ont le même sort; ils ont plus de vigueur dans leur agonie que d'autres en pleine santé! »


a Voyez t. XXI, p. 231.