<165>et Virgile jusqu'au moment que je vous aurais vu arriver, car vous ne pourrez avoir d'autre place dans l'Élysée qu'entre ces deux messieurs-là. J'aime cependant mieux vous appointer dans ce monde-ci : ma curiosité sur l'infini et sur les principes des choses n'est pas assez grande pour me faire hâter le grand voyage. Vous me faites espérer de vous revoir; je ne m'en réjouirai que quand je vous verrai, car je n'ajoute pas grand' foi à ce voyage. Cependant vous pouvez vous attendre à être bien reçu,

Car je t'aime toujours, tout ingrat et vaurien,
Et ma facilité fait grâce à ta faiblesse;
Je te pardonne tout avec un cœur chrétien,a

Le duc de Richelieu a vu des dauphines, des fêtes, des cérémonies et des fats : c'est le lot d'un ambassadeur. Pour moi, j'ai vu le petit Paulmi, aussi doux qu'aimable et spirituel. Nos beaux esprits l'ont dévalisé en passant, et il a été obligé de nous laisser une comédie charmante, qui a eu assez de succès à la représentation. Il doit être à présent à Paris. Je vous prie de lui faire mes compliments, et de lui dire que sa mémoire subsistera toujours ici avec celle des gens les plus aimables.

Vous avez prêté votre Pucelle à la duchesse de Würtemberg : apprenez qu'elle l'a fait copier pendant la nuit. Voilà les gens à qui vous vous confiez; et les seuls qui méritent votre confiance, ou plutôt à qui vous devriez vous abandonner tout entier, sont ceux avec lesquels vous êtes en défiance. Adieu; puisse la nature vous donner assez de force pour venir dans ce pays-ci, et vous conserver encore de longues années pour l'ornement des lettres et pour l'honneur de l'esprit humain!


a Voltaire, Épître à Genonville, vers 30 à 32. Voyez ses Œuvres, édit. Beuchot, t. XIII, p. 47.