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205. A VOLTAIRE.

Rheinsberg, 3 juillet 1743.

Je vous envoie le passe-port pour des chevaux avec bien de l'empressement. Ce ne seront pas des Bucéphales qui vous mèneront, ce ne seront pas des Pégases non plus; mais je les aimerai davantage, puisqu'ils amèneront Apollon à Berlin.

Vous y serez reçu à bras ouverts, et je vous y ferai le meilleur établissement qu'il me sera possible.

Je suis sur mon départ pour Stettin, de là pour la Silésie; mais je trouverai le moment de vous voir et de vous assurer à quel point je vous estime. Adieu.

206. DE VOLTAIRE.

La Haye, dans votre vaste et ruiné palais, 13 juillet 1743.

Mon roi, je n'ai pas l'honneur d'être de ces héros qui voyagent avec la fièvre quarte; je deviens manichéen, j'adopte deux principes dans le monde. Le bon principe est l'humanité de mon héros, le second est le mal physique, et celui-là m'empêche de jouir du premier.

Souffrez donc, mon adorable monarque, que l'âme qui est si mal à son aise dans ce chétif corps ne se mette point en chemin, dans l'incertitude de trouver V. M. Si elle est pour quelques semaines à Berlin, j'y vole; si elle court toujours, et si, du fond de la Silésie, elle va à Aix-la-Chapelle, j'irai l'y attendre dans un bain chaud, qui le sera moins que votre imagination.

J'ai l'honneur de lui envoyer une dose d'opium dans ses courses; c'est un paquet de phrases académiques. S. M. y verra le Discours de Maupertuis, accompagné de quelques remarques de madame du Châtelet. Plût à Dieu que les Français ne fissent