<128>C'est ce que je présume par la lettre que vous avez écrite à l'évêque de Sens, et sur ce que toutes les lettres mandent de Paris. Vous pouvez juger de ma surprise et de l'étonnement d'un esprit philosophique, lorsqu'il voit le ministre de la vérité plier les genoux devant l'idole de la superstition.

Les Midas mitrés triomphent, dans ce siècle, des Voltaire et des grands hommes. Mais c'est apparemment le siècle où les ignorants doivent en tous genres être préférés, en France, aux savants et aux habiles gens. O tempora! o mores!

Quarante savants perroquets,
Tour à tour maîtres et valets
De l'usage et de la grammaire,
Placés au Parnasse français,
Vous en ont donc exclu, Voltaire?
C'est sans doute par vanité.
Ce refus n'est pas ridicule;
Une aussi brillante clarté
Eût de leur faible crépuscule
Terni la frivole beauté.

Je crois que la France est le seul pays en Europe où les ânesa et les sots puissent à présent faire fortune. Je vous envoie l'Avant-propos de mes Mémoires; le reste n'est point ostensible.

Je ne vous écris point aussi souvent que je le voudrais; ne vous en prenez point à moi, mais à tant et tant d'occupations qui me partagent.

Adieu, cher Voltaire; ne m'oubliez point, malgré mon silence, et croyez que, sur le sujet de l'amitié, je ne pense pas moins à vous qu'autrefois.


a Voltaire appelait son ennemi Boyer âne de Mirepoix, à cause de sa signature : Boyer, anc. évêque de Mirepoix, dans laquelle il feignait de prendre anc. pour âne.