<376>venue Allemande par son attachement à Leibniz, et bien plus encore par celui qu'elle a pour vous.

Voici le temps où j'aurais une grande envie de voir un second tome des sentiments d'un certain membre du parlement d'Angleterrea sur les affaires de l'Europe; il me semble que celles d'Angleterre, de Suède et de Russie méritent bien l'attention de ce digne citoyen. Voilà la Suède, de menaçante qu'elle était autrefois, devenue mesurée; la voilà embarrassée de sa liberté, et indécise entre l'argent d'Angleterre et celui de France, comme l'âne de Buridan entre deux mesures d'avoine. Mais le citoyen dont je parle ne me donnera-t-il aucune permission sur l'Antimachiavel? S'il veut en gratifier le public, il y a si peu de chose à faire, il n'y a plus que la besogne d'éditeur; votre génie a fait tout ce qu'il faut. Le reste ne peut s'ajuster que quand on confrontera le texte de Machiavel pour le mettre vis-à-vis de la réponse, afin d'en faire un volume qui ne soit pas trop gros.

J'attends vos ordres pour tout, excepté pour vous admirer.

Il est bien douloureux que la goutte prenne à la main de M. de Keyserlingk, quand il est près de donner de ses nouvelles.

Ce Keyserlingk charmant, l'honneur de votre empire,
A dès longtemps gagné mon cœur;
Je sens à la fois sa douleur
Et le chagrin de ne pouvoir le lire.

Souffrez, monseigneur, que la Henriade vous remercie encore de l'honneur que vous lui faites. Elle dit humblement avec Stace :

Nec tu divinam Aeneida tenta,
Sed longe sequere, et vestigia semper adora
.a

Je ne suis point si difficile;
Ce serait pour moi trop d'honneur,
Si je marchais après Virgile,
Chez mon prince et chez l'imprimeur.

Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, etc.


a Voyez ci-dessus, p. 216, 242 et 243.

a La Thébaïde, poëme héroïque de Stace, livre XII, vers 816 et 817.