<337>le ton de la société; il ne soupe point; et l'on dit que le mal de tête lui fait trop d'honneur de l'incommoder, et qu'il ne le mérite point du tout.

Nous venons de faire ici l'acquisition d'un très-habile homme. Il s'appelle Célius;a il est habile physicien, et très-renommé pour les expériences. On lui donne pour vingt mille écus d'instruments. Il achèvera, cette année, un ouvrage qui lui fera beaucoup d'honneur; c'est une machine mécanique qui démontre parfaitement tous les mouvements des étoiles et des planètes, selon le système de Newton. Vous ne connaissez peut-être pas non plus un jeune homme qui commence à paraître; il se nomme Lieberkühn.a C'est un génie admirable pour les mécaniques. Il a fait, par l'optique, des découvertes étonnantes, et il pousse son art à un point de perfection qui surpasse tout ce qu'on a vu avant lui. Il reviendra ici cet automne, après avoir vu Paris. Il a passé trois années à Londres, et il a été très-estimé de tous les savants d'Angleterre. Je vous parlerai plus en détail sur son chapitre, lorsque je l'aurai vu après son retour.

Je suis ravi de voir de ces heureuses productions de ma patrie; ce sont comme des roses qui croissent parmi les ronces et les orties; ce sont comme des bluettes de génie qui se font jour à travers des cendres où malheureusement les arts sont ensevelis. Vous vivez en France dans l'opulence de ces arts; nous sommes ici indigents de science, ce qui fait peut-être que nous estimons plus le peu que nous avons.

Vous trouverez peut-être que je bavarde beaucoup; mais souvenez-vous qu'il y a quatre semaines que je ne vous ai écrit, et que les pluies ne sont jamais plus abondantes qu'après une grande stérilité.

Je vous suis à Cirey, mon cher Voltaire, et je partage avec vous vos chagrins comme vos plaisirs. Profitez des plaisirs de ce monde autant que vous le pouvez; c'est ce qu'un homme sage doit faire. Instruisez-nous, mais que ce ne soit pas aux dépens de votre santé et de votre vie.

Quand est-ce que les Voltaire et les Émilie voyageront vers le Nord? Je crains fort que ce phénomène, quoique impatiem-


a Voyez t. XVIII, p. 8 et 68.