<307>Cet art fut banni de l'école,
Des pédants il est inconnu.
Par l'inquisition frivole
L'usage en serait défendu,
Si le pouvoir saint de l'étole
S'était à ce point étendu.
Du vulgaire la troupe folle
A penser juste a prétendu;
Du vil flatteur l'encens vendu
En a parfumé son idole;
Et l'ignorant a confondu
Le froid non-sens d'une parole,
Et l'enflure de l'hyperbole,
Avec l'art de penser, cet art si peu connu.

Entre cent personnes qui croient penser, il y en a une à peine qui pense par elle-même. Les autres n'ont que deux ou trois idées, qui roulent dans leur cerveau sans s'altérer et sans acquérir de nouvelles formes; et le centième pensera peut-être ce qu'un autre a déjà pensé; mais son génie, son imagination ne sera pas créatrice. C'est cet esprit créateur qui sait multiplier les idées, qui saisit les rapports entre des choses que l'homme inattentif n'aperçoit qu'à peine, c'est cette force du bon sens qui fait, selon moi, la partie essentielle de l'homme de génie.

Ce talent précieux et rare
Ne saurait se communiquer;
La nature en paraît avare.
Autant que l'on a pu compter,
Tout un siècle elle se prépare
Lorsqu'elle nous le veut donner.
Mais vous le possédez, Voltaire,
Et ce serait vous ennuyer
Qu'apprécier et calculer
L'héritage de votre père.

Trois sortes d'ouvrages me sont parvenus de votre plume, en six semaines de temps. Je m'imagine qu'il y a quelque part en France une société choisie de génies égaux et supérieurs, qui travaillent tous ensemble, et qui publient leurs ouvrages sous le nom de Voltaire, comme une autre société en publie sous le nom