<246>et dans le dessein de m'instruire, en suivant votre excellente leçon :

Et vers la vérité le doute les conduit,a

J'ai lu avec admiration et avec étonnement l'ouvrage de la marquise, sur le Feu. Cet Essai m'a donné une idée de son vaste génie, de ses connaissances et de votre bonheur. Vous le méritez trop bien pour que je vous l'envie. Jouissez-en dans votre paradis, et qu'il soit permis à nous autres humains de participer à votre bonheur.

Vous pouvez assurer Émilie qu'elle a mis chez moi le feu en une particulière vénération, savoir, non le feu qu'elle décompose avec tant de sagacité, mais celui de son puissant génie.

Serait-il permis à un sceptique de proposer quelques doutes qui lui sont venus? Peut-on, dans un ouvrage de physique où l'on recherche la vérité scrupuleusement, peut-on y faire entrer des restes de visions de l'antiquité? J'appelle ainsi ce qui paraît être échappé à la marquise touchant l'embrasement excité dans les forêts par le mouvement des branches.

J'ignore le phénomène rapporté dans l'article des causes de la congélation de l'eau; on rapporte qu'en Suisse il se trouvait des étangs qui gelaient pendant l'été, aux mois de juin et de juillet. Mon ignorance peut causer mes doutes. J'y profiterai à coup sûr, car vos éclaircissements m'instruiront.

Après avoir parlé de vos ouvrages et de ceux de la marquise, il n'est guère permis de parler des miens. Je dois cependant accompagner cette lettre d'une pièce qu'on a voulu que je fisse. Le plus grand plaisir que vous puissiez me faire, après celui de m'envoyer de vos productions, est de corriger les miennes. J'ai eu le bonheur de me rencontrer avec vous, comme vous pourrez le voir sur la fin de l'ouvrage.a Lorsqu'on a peu de génie, qu'on n'est point secondé d'un censeur éclairé, et qu'on écrit en langue étrangère, on ne peut guère se promettre de faire des progrès. Rimer malgré ces obstacles, c'est, ce me semble, être atteint en quelque manière de la maladie des Abdéritains.


a Voyez ci-dessus, p. 234.

a Voyez t. X, p. 65-67, et les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 81 et suivantes.