<221>se faire élire? la Suède et le Danemark ne pourraient-ils pas l'aider? et, si ce prince avait de la vertu et de l'argent, n'y aurait-il pas à parier pour lui? ne pourrait-on pas rendre l'Empire alternatif comme certains évêchés qui appartiennent tantôt à un luthérien, tantôt à un romain? Je prie V. A. R. de me pardonner ce tome des Mille et une Nuits.

Quum canerem reges et proelia, Cynthius aurem
Vellit, et admonuit.a

V. A. R. est peut-être à présent à Clèves ou à Wésel; pourquoi faut-il que je ne sois pas sur la frontière? Madame du Châtelet en avait une grande envie; elle avait même imaginé d'aller vers Trêves, pour tâcher de voir le Salomon du Nord. Un homme de la maison du Châtelet a une petite principauté entre Trêves et Juliers, que l'on pourrait vendre, et qui peut-être conviendrait à Sa Majesté. Madame du Châtelet serait assez la maîtresse de cette vente; ce serait une belle occasion pour rendre ses respects au plus respectable prince de l'Europe. La reine de Saba viendrait avec un grand plaisir consulter le jeune Salomon; mais j'ai bien peur que cette idée si flatteuse ne soit encore pour les Mille et une Nuits.

Le sieur Thieriot nous a fait la galanterie de faire parvenir à Ci rey un petit mot de V. A. R., par lequel elle lui marquait que ses bontés pour moi ne sont point ébranlées par je ne sais quelles méprisables brochures qui paraissent quelquefois dans Paris contre moi, aussi bien que contre des gens qui valent beaucoup mieux que moi. Ces brochures, que le sieur Thieriot envoie à V. A. R., lui donneraient mauvaise opinion de l'esprit des Français, si elle ne savait d'ailleurs que ces misérables ouvrages sont le partage de la lie du Parnasse, qui compose ces misères encore plus pour gagner de l'argent que par envie. C'est l'intérêt qui les écrit, mais c'est quelquefois une secrète jalousie qui les distribue et qui les fait valoir.

Il est très-vrai que madame la marquise du Châtelet avait composé un Essai sur la nature du feu, pour le prix de l'Académie des sciences. Il est très-vrai qu'elle méritait d'avoir part au


a Virgile, Bucoliques, églogue VI, v. 3 et 4.