<202>qui se tournaient vers le côté du temple pour faire leurs prières et pour implorer l'assistance divine.

Voici quelques pièces de ma façon que j'expose au creuset. Je crains fort qu'elles ne soutiennent pas l'épreuve. C'est, comme vous voyez, toujours le démon des vers qui me domine. Bientôt celui des combats pourra influer sur moi. Si le sort ou le démon de la guerre me rend ennemi des Français, soyez bien persuadé que la haine n'aura jamais d'empire sur mon esprit, et que mon cœur démentira toujours mon bras. Vous seul, monsieur, me faites aimer votre nation. Je chérirai tendrement les habitants de Cirey, tandis que je ferai la guerre aux Français; et je dirai :

...... Mon épée,
Qui du sang espagnol eût été mieux trempée ...a

Je vous prie de me donner de vos nouvelles le plus souvent qu'il vous sera possible; je suis d'une inquiétude extrême sur tout ce qui regarde votre santé. Nous venons de perdre ici un des plus grands hommes d'Allemagne; c'est le fameux M. de Beausobre,b homme d'honneur et de probité, grand génie, d'un esprit fin et délié, grand orateur, savant dans l'histoire de l'Église et dans la littérature, ennemi implacable des jésuites, la meilleure plume de Berlin, un homme plein de feu et de vivacité, que quatre-vingts années de vie n'avaient pu glacer; d'ailleurs sentant quelque faible pour la superstition, défaut assez commun chez les gens de son métier, et connaissant assez la valeur de ses talents pour être sensible aux applaudissements et à la louange. Cette perte m'est d'autant plus sensible, qu'elle est irréparable. Nous n'avons personne qui puisse remplacer M. de Beausobre. Les hommes de son mérite sont rares, et quand la nature les sème, ils ne parviennent pas tous à la maturité.

Il m'est parvenu une lettre qu'une dame de ce pays-ci vous a écrite.a Vous aurez bien vu, par son style, qu'elle est brouillée avec le sens commun. Ne jugez pas de toutes nos dames par cet


a La Henriade, chant III, v. 199 et 200.

b Mort le 5 juin 1738. Voyez t. XVI, p. IX, X, et 127-136, et ci-dessus, p. 16.

a Voyez t. XVI, p. 161, 162, 163, 165 et 171.