<174>J'ai pourtant, dans mon lit, fait deux nouveaux actes, à la place des deux derniers de Mérope, qui m'ont paru trop languissants. Quand V. A. R. voudra voir le fruit de ses avis dans ces deux nouveaux actes, j'aurai l'honneur de les lui envoyer. J'ai bien à cœur de donner une pièce tragique qui ne soit point enjolivée d'une intrigue d'amour, et qui mérite d'être lue; je rendrais par là quelque service au théâtre français, qui, en vérité, est trop galant. Cette pièce est sans amour; la première que j'aurai l'honneur d'envoyer à Remusberg méritera pour titre : De remedio amoris. Ce n'est pas que je n'aie assurément un profond respect pour l'amour et pour tout ce qui lui appartient; mais qu'il se soit emparé entièrement de la tragédie, c'est une usurpation de notre souverain; et je protesterai au moins contre l'usurpation, ne pouvant mieux faire. Voilà, monseigneur, tout ce que vous aurez de moi cette fois-ci pour le département poétique; mais le département de la métaphysique m'embarrasse beaucoup.

La lettre du 17 février, de V. A. R., est en vérité un chef-d'œuvre. Je regarde ces deux lettres sur la Liberté comme ce que j'ai vu de plus fort, de mieux lié, de plus conséquent, sur ces matières. Vous avez certainement bien des grâces à rendre à la nature de vous avoir donné un génie qui vous fait roi dans le monde intellectuel, avant que vous le soyez dans ce misérable monde composé de passions, de grimaces et d'extérieur. J'avais déjà beaucoup de respect pour l'opinion de la fatalité, quoique ce ne soit pas la mienne; car, en nageant dans cette mer d'incertitudes, et n'ayant qu'une petite branche où je me tiens, je me donne bien de garde de reprocher à mes compagnons les nageurs que leur petite branche est trop faible. Je suis fort aise, si mon roseau vient à casser, que mon voisin puisse me prêter le sien. Je respecte bien davantage l'opinion que j'ai combattue, depuis que V. A. R. l'a mise dans un si beau jour; me permettra-t-elle de lui exposer encore mes scrupules?

Je me bornerai, pour ne pas ennuyer le Marc-Aurèle d'Allemagne, à deux idées qui me frappent encore vivement, et sur lesquelles je le supplie de daigner m'éclairer.

Plus je m'examine, plus je me crois libre (en plusieurs cas);