<16>il a l'avantage d'avoir été disciple de l'auteur, ce qui lui a procuré beaucoup de facilité dans sa traduction. Il me paraît qu'il a assez heureusement réussi; je souhaiterais seulement, pour l'amour de lui, qu'il corrigeât et abrégeât l'Épître dédicatoire, dans laquelle il me prodigue l'encens à pleines mains. Il aurait infiniment mieux trouvé sa place dans un prologue d'opéra, au siècle de Louis XIV.

Ce n'est point uniquement en faveur de la Henriade, seul poëme épique qu'aient les Français, que je me déclare, mais en faveur de tous vos ouvrages : ils sont généralement marqués au coin de l'immortalité.

C'est l'effet d'un génie universel et d'un esprit bien rare que de soutenir dans une élévation égale tant d'ouvrages de genres différents. Il n'y avait que vous, monsieur, permettez-moi de vous le dire, qui fussiez capable de réunir dans la même personne la profondeur d'un philosophe, les talents d'un historien et l'imagination brillante d'un poëte. Vous me faites un plaisir infini et bien sensible en me promettant de m'envoyer tous vos ouvrages. Je ne les mérite que par tout le cas que j'en fais.

Les monarques peuvent donner des trésors, des royaumes même, et tout ce qui peut flatter l'avarice, l'orgueil et la cupidité des hommes; mais toutes ces choses restent hors d'eux, et, loin de les rendre plus éclairésa qu'ils ne le sont, elles ne servent ordinairement qu'à les corrompre. Le présent que vous me promettez, monsieur, est de tout un autre usage. On trouve dans sa lecture de quoi corriger ses mœurs et éclairer son esprit. Bien loin d'avoir la folle présomption de m'ériger en juge de vos ouvrages, je me contente de les admirer; le but que je me propose dans mes lectures est de m'instruire. Ainsi que les abeilles, je tire le miel des fleurs, et je laisse les araignées convertir les fleurs en venin.

Ce n'est point par ma faible voix que votre renommée, déjà si bien établie, peut s'accroître; mais du moins sera-t-on obligé d'avouer que les descendants des anciens Goths et des peuples vandales, les habitants des forêts d'Allemagne, savent rendre


a Et plus vertueux. (Variante des Œuvres posthumes, t. VIII, p. 233.)